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Mouvement SportifParis 2024

Le ballet olympique

Par 17 mai 2024No Comments

Après une année de restauration, la statue équestre de Louis XIV retrouve son prestigieux piédestal de la place Bellecour à Lyon.

L’éclat retrouvé du roi et de son cheval a été possible grâce aux bronziers de la Fonderie de Coubertin, dont les ateliers sont situés à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, dans le domaine de la famille de Pierre de Coubertin, le rénovateur des Jeux Olympiques modernes.

Belle coïncidence à laquelle s’en ajoute une seconde. Si cette année 2024 voit le retour de la statue de Louis XIV, la France célèbre les Jeux Olympiques et Paralympiques d’été, or l’inauguration de la première statue équestre de la place Bellecour, en 1714, fût honorée par la création d’un ballet intitulé… Les Jeux Olympiques !

© Wikipédia

Petite histoire de ce ballet olympique

En ce début de XVIIIe siècle, alors que le règne du Roi Soleil s’achève, le site d’Olympie gît encore sous une épaisse couche de terre, quelque part dans un coin devenu secret du Péloponnèse. Depuis l’an 1000 en effet, toutes traces matérielles de la prestigieuse compétition antique s’étaient perdues entre limons et végétations. En 1714 donc, les Jeux Olympiques, au même titre que l’Atlantide, n’existaient qu’à travers le récit des poètes, des philosophes et des historiens passionnés par l’univers des grecs.

C’est dans cette situation, à mi-chemin entre l’Histoire et la Mythologie, entre le fait et l’imaginaire, que les jésuites de Lyon décident de mettre en scène, le 27 mai 1714, le ballet Les Jeux Olympiques, au Collège de la Sainte Trinité, devant un parterre d’officiels composé de prévôts, d’échevins et de notables.

En choisissant comme thématique les Jeux Olympiques, l’objectif de l’école était de former le corps et l’esprit des élèves, mais aussi d’être à la hauteur de la glorification du personnage souverain de Louis XIV.

Il est vrai, qu’avec ce ballet, l’élève est à la fois confronté à la danse et aux épreuves physiques suggérées par le thème des concours à Olympie. Les gestes chorégraphiés du saut, de la lutte ou de la course de char enrichissent l’enseignement de la maîtrise du corps. Ensuite, l’initiation à la culture ancienne s’opère grâce aux références mythologiques. Quant à l’apprentissage de l’Histoire antique, elle se structure autour du récit des Jeux d’Olympie. Certaines parties du ballet trahissent d’ailleurs les sources de références, tirées en partie de la Description de la Grèce de Pausanias et des Helléniques de Xénophon.

À ce titre, le ballet apparaît comme un moyen ludique de réviser ses grands classiques grecs ! Des détails historiques et géographiques très précis sont même exposés comme la fondation des Jeux par Héraclès, la description du site antique d’Olympie (au bord de l’Alphée), les cultes du panthéon, la trêve, les compétitions, les récompenses, le retour victorieux des champions, la périodicité, le calendrier olympique comme calendrier conventionnel pour les Grecs, et l’idée de rassemblement des Grecs.

Après la maîtrise du corps, et l’initiation à l’histoire ancienne, le ballet Les Jeux Olympiques est le prétexte à la célébration du Roi Soleil. Louis XIV, qui est à ce moment-là dans sa dernière année de vie (il décède en 1715), à l’honneur d’être magnifié par une effigie de lui-même, au centre de la place royale de Lyon (actuelle place Bellecour).

Cet évènement a servi de prétexte au sujet de la pièce comme le souligne l’avant-propos du ballet :

« Comme il n’y a que les grands événements qui puissent fournir l’occasion aux grands spectacles, il n’y a aussi que les grands hommes qui puissent donner les grands spectacles et exprimer les grands événements ».

Les jésuites ont donc eu pour désir de trouver un sujet à la hauteur de l’événement (construction de la statue équestre) et à la dimension de l’Homme (Louis XIV), et leur choix s’est porté, naturellement, sur les Jeux Olympiques tant leur prestige est encore important.

De plus, l’argument du ballet fait l’association entre la paix liée à la célèbre trêve sacrée des Jeux d’Olympie et la paix recherchée par Louis XIV :

« Peut-on trouver une Allégorie plus noble et plus naturelle pour célébrer la paix si désirée que nous a donné le plus grand des Rois, pour représenter la cérémonie de la distribution des Prix, que l’on doit à la liberté de nos Magistrats ».

Nous sommes bien dans de la propagande royale…

Pour incarner le spectacle, 29 élèves danseurs sont intervenus sur scène. L’enseignement chez les jésuites n’étant pas ouvert aux femmes, seuls des garçons endossent l’ensemble des rôles. Or, parmi les personnages, il y a des allégories féminines comme La Gloire, La Renommée, La Victoire, La Justice, La Paix, Les Discordes, Les Furies, L’Immortalité ainsi que Iris et les Muses. Le travestissement a donc été nécessaire.

D’ailleurs, cette exclusivité masculine dans le théâtre jésuite n’est pas sans un certain rapport avec celle des Jeux d’Olympie… où seuls les hommes étaient appelés à concourir. Mais la fidélité historique s’arrête là, puisque l’on imagine mal en effet les écoliers du Grand Collège de la Compagnie de Jésus apparaître nus sur scène, à l’image des anciens athlètes grecs du stade d’Olympie…

Ce spectacle de 1714, déjà joué à Avignon en 1707, est exceptionnel ; il est l’une des plus anciennes références artistiques sur l’olympisme, avant même que le Métastase (1698-1782) ne compose l’Olympiade, poème mis en musique entre autres par Vivaldi en 1734, et bien avant encore que Pierre de Coubertin ne décide de leur restauration en 1894.

Signalons que les étudiantes en danse de l’Université de Nîmes, dans le cadre de Dansons vers 2024, ont fait renaître l’esprit de ce ballet olympique. Historique. Bravo à elles !

Sylvain BOUCHET
Historien, spécialiste des Jeux Olympiques
Lauréat du Prix Coubertin